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Legal News : Employeurs suisses de télétravailleurs frontaliers français : Avez-vous l’attestation A1 pour votre employé ?

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Dernier délai au 30 juin 2024

Pour éviter les prélèvements obligatoires (impôt à la source et cotisations sociales) parmi les plus lourds d’Europe, les frontaliers télétravailleurs doivent respecter la limite maximale de télétravail en France et avoir leur attestation A1 (voir ci-dessous)

Depuis l’entrée en vigueur des accords bilatéraux en 2002, les employeurs peuvent engager relativement facilement des frontaliers sans contingentement ce qui, grâce à la bonne conjoncture de la région lémanique, a conduit à une hausse constante de leur nombre qui a triplé à Genève (plus de 105’000 à fin 2023) et quadruplé dans le canton de Vaud (plus de 45’000 à fin 2023).

Avec les habitudes prises durant la pandémie avec le régime d’exception applicable aux télétravailleurs, certains frontaliers ont souhaité continuer à télétravailler, afin d’éviter les trajets et les quelques inconvénients que le travail présentiel implique.

Les employeurs qui ont accepté le télétravail après le 1er juillet 2023, seraient bien inspirés de s’informer des risques qui en découlent ainsi que des précautions à prendre de manière à encadrer cette pratique et éviter certains risques, notamment celui de subir les prélèvements obligatoires (impôts et cotisations sociales) français qui sont parmi les plus lourds d’Europe, comme le montre le tableau suivant :

Les employeurs, qui devaient déjà avoir des difficultés à s’y retrouver dans la réglementation applicable aux frontaliers en matière d’assurances sociales et d’impôt source, doivent maintenant aussi respecter les nouvelles règles entrées en vigueur au 1er juillet 2023 dans une certaine précipitation. Plus de dix mois après cette introduction, voici un point de situation.

Sur le plan des assurances sociales

Le risque majeur : assujettissement en France aux taux français pour la totalité des revenus du frontalier de l’activité qu’il exerce en Suisse et en France.

La parade légale : rester en deçà des limites fixées et demander une attestation A1

En cas d’activité d’un frontalier en Suisse et en France, le principe est que l’employé soit assujetti en France aux assurances sociales s’il exécute 25 % ou plus de son activité en France (règle déjà applicable depuis 2012) ou 50 % ou plus de télétravail en France (grâce à l’accord multilatéral sur la sécurité sociale signé entre la Suisse et certains États de l’UE en vigueur depuis le 1er juillet 2023).

Même si la Suisse et la France ont établi la limite à 49,9 % de télétravail en France, la limite fixée sur le plan fiscal à 40 % implique que c’est bien cette limite de 40 % pour la sécurité sociale qu’il convient de respecter en pratique également pour la sécurité sociale (voir ci-après, la partie intitulée « sur le plan fiscal »).

Obligation de demander l’attestation A1 pour les télétravailleurs frontaliers

Pour que le nouvel accord multilatéral sur la sécurité sociale signé entre la Suisse et certains États de l’UE, dont la France, s’applique et que le frontalier puisse rester assujettie aux assurances sociales en Suisse pour la totalité de ses activités, les employeurs suisses doivent demander une attestation A1 en sollicitant l’accès à la plateforme ALPS (Applicable Legislation Portal Switzerland) auprès de leur caisse de compensation AVS.

Cette attestation A1 a pour but de déterminer la législation nationale applicable à son titulaire, en vertu des règles de coordination entre la Suisse et l’UE/AELE (validité de l’attestation maximale de 2 ans voire 3 ans, renouvelable).

La demande doit être déposée avant le 30 juin 2024, car l’attestation A1 pourra couvrir rétroactivement, grâce à une disposition transitoire spéciale, la période débutant au 1er juillet 2023 pour toutes les demandes déposées jusqu’à fin juin 2024. Nous recommandons vivement aux employeurs de s’acquitter de cette formalité sans tarder si cela n’a pas encore été accompli, considérant le traitement du dossier qui prend environ deux mois.

À défaut, l’application de l’accord sera, d’après les informations reçues, refusée. L’employeur devra assujettir en France son employé pour les revenus de son activité en Suisse et en France, ce qui en termes de coûts et de démarches administratives sera nettement plus lourd.

Il en est de même si l’employé frontalier dépasse, en France les limites précitées de 24.9 % d’activité usuelle ou de 49.9 % de télétravail frontalier. En France, des sanctions administratives et des amendes seraient notamment prévues en cas de non-présentation du formulaire A1 lors d’un contrôle. À noter que l’accord sur la sécurité sociale entre la Suisse et la France sur le télétravail ne s’applique pas aux personnes qui :

  • Outre le télétravail dans leur État de résidence, y exercent de manière habituelle une autre activité (par ex. visites régulières à des clients, activité indépendante accessoire)
  • Outre le télétravail dans leur État de résidence, exercent de manière habituelle une activité dans un autre État de l’UE ou de l’AELE
  • En plus de travailler pour leur employeur suisse, travaillent pour un employeur situé dans un État de l’UE ou de l’AELE
  • Ont une activité indépendante

Sur le plan fiscal

Le risque : imposition fiscale de l’employé en France avec responsabilité de l’employeur Suisse

La parade légale : rester en deçà des limites fixées

Pour mémoire, depuis le 1er juillet 2023, si l’employeur veut éviter que son employé
frontalier soit imposé à la source en France et qu’il soit chargé de prélever l’impôt à
la source français, il doit veiller à ce que celui-ci respecte les trois limites suivantes :

  • 40 % de télétravail en France en moyenne sur l’année par rapport à l’activité
    globale du frontalier
  • Dix jours de missions temporaires en France qui doivent être intégrés dans
    la limite de 40 % citée au tiret précédent
  • Quarante-cinq jours de non-retour par an au domicile français qui incluent toutes
    les missions temporaires dans un État qui n’est pas la France

Jusqu’à ces limites (garder une certaine marge est conseillé), l’activité de télétravail
bénéficiera du statut de frontalier d’un point de vue fiscal et l’employé continuera à
être imposé à la source en Suisse ou à en être exempté via l’attestation de résidence
fiscale (voir ci-après).

Pour vérifier si le taux de 40 % de télétravail est respecté, il est nécessaire de faire, sur la base d’un décompte précis, le rapport entre le nombre de jours télétravaillés en France (y compris, le cas échéant, jusqu’à dix jours de mission temporaire en France) et le nombre global des jours travaillés, sans tenir compte des vacances ou des weekends. Par exemple, pour un travail à plein temps par hypothèse avec un nombre de jours ouvrés de 240, la limite à respecter est de 96 jours en télétravail, y compris la limite de missions temporaires en France (40 % de 240 j. = 96 j.).

Si les jours de télétravail dépassent 40 %, la totalité de ces jours de télétravail en France doit être imposée en France via le système de retenue à la source français, ce qui est prohibé par le code pénal suisse. Il est dès lors très important de
respecter les limites précitées.

Rappel : l’attestation de résidence fiscale en France reporte la responsabilité de l’impôt sur l’employé

L’employé frontalier, qui est actif dans les cantons de Vaud, Valais et Neuchâtel (mais aussi Jura, Berne, Bâle-Ville, Bâle-Campagne ou Soleure) et qui rentre au moins quatre jours de la semaine à son domicile français pour un plein temps ne paiera, en principe, pas d’impôt en Suisse s’il fournit une attestation de résidence fiscale française. Dans ce cas-là, il sera imposable dans son État de résidence, soit en France.

Rappel : l’imposition fiscale à la source de l’employé en Suisse

L’employeur devra retenir l’impôt à la source en Suisse sur le revenu de son employé frontalier dans les hypothèses suivantes :

  • Si la relation de travail a lieu à Genève ou dans les autres cantons suisses que ceux cités ci-avant, car le système d’attestation de résidence fiscale ne s’applique pas
  • Si l’employé ne délivre pas l’attestation de résidence fiscale à son employeur dans les cantons cités au paragraphe précédent
  • S’il ne rentre pas en moyenne quatre nuits par semaine pour un plein temps

Autre risque pour l’employeur : la création d’un établissement stable assujetti fiscalement en France

La parade légale : éviter de remplir les conditions fixées ou remplir les formalités y relatives

Le télétravail en France crée également le risque de création d’un établissement stable en France qui pourrait exister, notamment si l’employé en question y génère des revenus ou y réalise des opérations formant un cycle commercial complet. La solution est de refuser le télétravail aux employés qui risquent de créer un tel établissement stable ou de remplir les formalités y relatives avec le soutien d’un cabinet comptable et fiscal local en France.

Sur le plan juridique et contractuel

Le risque : application du droit français et les frais du télétravail

La parade : la convention de télétravail

Le droit français du travail s’appliquera à la relation de travail entre l’employeur et l’employé qui télétravaille en France.

Comme les employeurs suisses ignorent la plupart du temps tout du droit du travail français, il convient, dès lors, de limiter son application, sans pouvoir toutefois l’exclure, puisque le droit impératif du travail français trouvera, de toute manière, application pour la partie d’activité que l’employé exerce en France.

Il est recommandé de prévoir dans la convention de télétravail avec le collaborateur que l’activité de télétravail en France est admise par l’employeur à la demande de l’employé, mais sous l’entière responsabilité de celui-ci et qu’elle reste régie par le droit suisse, en réservant le droit impératif du travail français pour l’activité que l’employé exerce en France.

Qui assume les frais liés au télétravail ? Cela dépend.

Pour répondre à cette question, il convient de distinguer si le télétravail est imposé par l’employeur ou instauré à la demande de l’employé. Dans le premier cas, l’employeur doit fournir le matériel ou indemniser le travailleur pour la mise à disposition du matériel privé. Une indemnité forfaitaire mensuelle de CHF 30.- pour l’utilisation du matériel privé standard et de CHF 300.- pour le loyer de l’utilisation d’une pièce pendant les heures de bureau pour un plein temps (y compris le chauffage, électricité, abonnement internet et téléphone) dans la région lémanique semblerait acceptable. Cette indemnité devra être réduite proportionnellement ou adaptée pour un temps partiel et en région frontalière.

Dans l’éventualité où le télétravail est exécuté à la demande de l’employé et que l’employé dispose d’une place de travail équipée dans les locaux de l’entreprise, c’est, en principe, à lui d’assumer les coûts liés au télétravail.

La convention de télétravail

Il est recommandé de régler les divers aspects de la relation contractuelle du télétravailleur français dans une convention de télétravail. Celle-ci traitera idéalement de l’ensemble des aspects précités, notamment les obligations de respecter les limites précitées ainsi que le droit du travail suisse et impératif français. Elle prévoira également l’obligation de tenir un décompte précis des données précitées, de signaler tout changement dans la situation de l’employé et des conséquences découlant du dépassement de ces limites et, enfin, la question des frais.

Sources :

Le département juridique de Ofisa Berney Associés se tient à votre disposition pour répondre à toute question juridique. N’hésitez pas à nous contacter :

fidu@ofisaberney.ch

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