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Covid19 : Droit du bail, quelle est la situation à ce jour?

Madame, Monsieur,

Ce n’est un secret pour personne : La crise actuelle que nous connaissons a déjà commencé à avoir des conséquences importantes sur le paiement des loyers, qu’ils soient d’habitation ou commerciaux. Ces difficultés devraient hélas encore accroître dans les semaines à venir.

Mobilisation des représentants de l'immobilier le 24 mars dernier

Les représentants, tant des milieux des locataires que de ceux des bailleurs, en sont parfaitement conscients et se sont déjà rencontrés afin de réfléchir à des solutions acceptables pour tous, mais sans résultat tangible à ce jour. La mise en place d’une task force a été annoncée récemment par le Conseil fédéral, afin que ce problème puisse être étudié et des solutions proposées au niveau fédéral. Mais pour des raisons évidentes, elle n’a pas encore pu lui délivrer ses recommandations.

Que s’est-il passé dans l’intervalle ?

  • On a tout d’abord entrepris d’examiner si l’arsenal juridique actuellement en vigueur, principalement dans le Code des obligations (CO), était suffisant. Les deux dispositions les plus topiques qui pourraient être appliquées devraient être l’art. 119 CO (impossibilité d’exécution en raison de la force majeure), et l’art. 266g CO. Celui-ci stipule que si, pour de justes motifs, l’exécution devient intolérable pour une partie (donc soit le bailleur, soit le locataire), celle-ci peut résilier le bail à n’importe quel moment, en observant le délai de congé légal, mais moyennant une indemnité à l’autre partie, qui pourrait être fixée par le Juge si besoin. Il n’y a de justes motifs qu’en cas de circonstances exceptionnelles, inconnues et imprévisibles lors de la conclusion du contrat, qui revêtent un certain caractère de gravité et qui ne sont pas imputables à l’une ou l’autre des parties. Ces justes motifs pourraient résider en l’espèce dans la situation générale, soit une épidémie et une grave crise économique.
  • En matière de réduction de loyer, le cas d’une telle épidémie ne nous semble pas être prévu par la loi. En revanche, bailleur et locataire peuvent en tout temps convenir d’une réduction conventionnelle du loyer, en ayant alors à respecter ni préavis, ni échéance contractuelle.

  • En date du 23 mars dernier, l’ASLOCA a publié l’avis de droit qu’elle avait commandé. Il arrive à la conclusion que quatre approches juridiques différentes, que nous nous abstiendrons de développer ici, permettraient à un locataire de baux commerciaux de s’abstenir totalement ou partiellement de payer son loyer, tant que l’interdiction d’exercer son activité commerciale perdurerait.

  • Les professionnels de l’immobilier ne partagent pas ce point de vue, cela sans surprise, rappelant que les loyers restent dus, mais recommandant en l’état de favoriser la négociation au travers de demandes de baisse ou d’échelonnement des loyers. De surcroit ils incitent à garder en mémoire l’existence de l’art 266g CO précité, et ainsi d’éviter des procédures contentieuses aussi longues que coûteuses.

  • Le loyer constitue indéniablement pour les entreprises un coût fixe. Sa prise en charge pourrait être assurée, à tout le moins dans un premier temps, par les mesures telles qu’elles ont été mises en place notamment par la Confédération afin que ces entreprises disposent de liquidités. Il convient toutefois de rappeler qu’en l’état, il ne s’agit que de prêts, qui par définition sont remboursables, et non de subventions.

  • Par une ordonnance du 27 mars 2020, sur l’atténuation des effets du coronavirus en matière de bail à loyer et de bail à ferme, le Conseil fédéral a décidé notamment de prolonger le délai en cas de demeure du locataire. En ce sens, si le locataire d’un bail d’habitation ou commercial a du retard pour s’acquitter d’un terme ou de frais accessoires, échus entre le 13 mars 2020 et le 31 mai 2020, en raison des mesures prises par le Conseil fédéral pour lutter contre le coronavirus, le bailleur lui accorde, en dérogation à l’art. 257d alinéa 1 CO, un délai d’au moins 90 jours, au lieu de 30 jours pour l’acquittement des montants dus.

Notons que bon nombre de bailleurs et de locataires ont bien compris la leçon et ont déjà entamé des négociations, avec parfois des résultats concrets en matière de diminutions ou d’accommodements de paiements.

La crise est nouvelle et personne n’a encore du recul à ce sujet. Il y a entre autre peu ou pas de jurisprudence. Il faudra donc suivre avec attention les travaux et les recommandations de la task force fédérale, qui comme indiqué n’en est qu’à sa mise en place. Dans l’intervalle, nous ne saurions trop conseiller à nos partenaires et clients de privilégier sans attendre la voie de la négociation. Le locataire a un intérêt évident à obtenir un sursis ou une diminution de son loyer, et le bailleur à conserver un locataire qui peut-être réglera moins facilement son loyer, ou réglera un loyer diminué, mais le réglera…

Nous sommes à votre entière disposition pour toute question complémentaire que vous pourriez avoir en relation avec ce qui précède.

Par e-mail : covid19@berneyassocies.com ou par téléphone : 058 234 90 00

(Photo: Daniele Levis)

Nous ne saurions trop conseiller à nos partenaires et clients de privilégier sans attendre la voie de la négociation.

François Chevalley, Associés, Responsable du département légal